La politique vaccinale habillée pour l'hiver par la Cour des Comptes
Paris, le vendredi 22 février 2013 – Assez de rapports et d’études l’ont confirmé ces dernières années : la France connaît aujourd’hui quelques difficultés à imposer les messages les plus simples concernant l’utilité des vaccinations. Ainsi, comme l’observe la Cour des Comptes dans un rapport rendu public ce 20 février et réalisé à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat, les comparaisons internationales « ne sont pas toujours favorables à la France ». Elle précise même que « Les points noirs sont le très faible taux de vaccination contre l’hépatite B et l’insuffisance des primo-vaccinations ROR qui distinguent négativement notre pays ». Mais au regard du rapport de la rue Cambon et du bilan qu’elle fait de la politique vaccinale en France, on pourrait, avec un peu d’ironie, observer que compte tenu des obstacles avec lesquelles la France doit composer, nos résultats pourraient presque être plus décevants encore.
Evaluation de la couverture vaccinale : un carnet électronique indispensable !
Car de notre calendrier vaccinal à notre système de remboursement en passant par nos moyens de communication, la France doit pallier de multiples défauts. Premier d’entre eux : le cap fixé. « Les objectifs vaccinaux établis dans une perspective quinquennale en annexe de la loi de santé publique du 9 août 2004 ont été définis de manière trop uniforme » tancent les auteurs du rapport. Mais c’est loin d’être tout. La surveillance de la couverture vaccinale n’échappe pas non plus à un examen sévère. Celle-ci reste « encore mal connue » note le rapport. « L’objectif de couverture de 95 % de la population générale sur les maladies à couverture vaccinale (obligatoire, ndrl) n’a été que partiellement évaluable puisque les données ne sont pas disponibles pour toutes les classes d’âge cibles » constatent ainsi par exemple les magistrats, tandis qu’ils notent plus loin : « Si des progrès ont été enregistrés dans certains domaines tels que la remontée plus rapide des certificats de santé ou l’approfondissement des données mises à disposition par la CNAMTS, il reste encore beaucoup à faire pour disposer d’une connaissance fine par âge et lieu de résidence des taux de couverture. Cette connaissance exige la mise en place d’un carnet de vaccination électronique », juge la Cour des comptes.
Ne plus donner d’arguments à ceux qui refusent les vaccinations recommandées
Des critiques, fréquemment formulées par d’autres instances, concernent également le calendrier vaccinal. « Celui-ci s’est considérablement étoffé sous le double effet de la disponibilité de nouveaux vaccins et d’un meilleur ciblage des recommandations, qui sont elles-mêmes de plus en plus denses. Ces recommandations sont souvent émises au terme d’un processus qui ne permet pas d’en garantir la clarté ni parfois la cohérence », notent-ils. Mais au-delà de ces remarques, ils estiment que la différenciation entre vaccination obligatoire et vaccination recommandée peut favoriser le rejet des secondes. Pour limiter ces situations, les magistrats invitent à revenir sur « la dualité ambiguë » qui existe concernant l’indemnisation des incidents (et qui est de fait parfois brandie comme argument par certains récalcitrants à la vaccination pour refuser de s’y soumettre). Ainsi, la Cour des comptes estime qu’il faudrait : « aligner les régimes d’indemnisation des vaccinations obligatoires et recommandées à condition que les dommages puissent être strictement imputés à la vaccination ».
S’immuniser contre la tentation de la gratuité
Objectifs trop généraux, données parcellaires, recommandations confuses, à ces défauts majeurs s’ajoute un tableau de remboursement « à la cohérence discutable » selon le rapport. « Les conditions de prise en charge par la solidarité nationale des vaccins pourraient être améliorées par une diversification des taux de remboursement par l’assurance maladie, des choix plus éclairés sur les stratégies de prévention à mettre en œuvre et des procédures de fixation des prix qui leur soient propres », résument les magistrats qui ne lésinent pas sur quelques exemples précis. Ainsi, ils estiment que l’on pourrait « réévaluer l'opportunité » de la prise en charge à 100 % de la vaccination contre la grippe saisonnière chez les plus de 65 ans et les personnes à risque et de la rougeole chez les enfants. Pour les auteurs du rapport, la gratuité ne semble en effet pas le principal moteur de la hausse de la couverture vaccinale.
Utiliser les mêmes outils que les détracteurs
La Cour des comptes se montre également assez sévère concernant « le dispositif de vaccination » qu’il juge lacunaire. Les médecins manqueraient d’informations précises, tandis que des situations hétérogènes grèveraient le fonctionnement des centres de vaccination et que les populations chez lesquelles les couvertures vaccinales laissent le plus à désirer sont insuffisamment ciblées. Pour améliorer cette situation, la Cour des comptes appelle à un pilotage renforcé à travers la nomination d’un « chef de projet vaccination dans chaque agence régionale de santé (ARS) ».
Enfin, la rue Cambon déplore l’insuffisance de moyens des services publics en matière de promotion quand celle-ci est pourtant essentielle pour contrer la diffusion des controverses et des idées opposées à la vaccination. L’éclatement des informations sur différents sites institutionnels et « l’absence de dispositif pérenne pour réagir au discours anti-vaccinal est d’autant plus dommageable que, si les publics hostiles sont très minoritaires, ils utilisent souvent efficacement médias sociaux et forums pour diffuser allégations et rumeurs et puisent une forme de crédibilité dans la participation de médecins » note la Cour.