http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0201692957234-la-guerre-est-declaree-entre-les-mutuelles-et-le-gouvernement-233493.php" 14/10 | 07:00 | Vincent Collen
Les mutuelles refusent de signer l'accord sur les dépassements de tarifs des médecins. Xavier Bertrand menace de légiférer. L'UMP veut taxer de 10 % les réserves des mutuelles lorsqu'elles représentent plus de 3,5 fois leurs engagements réglementés.C'est désormais officiel, les mutuelles ne parapheront pas l'accord avec l'assurance-maladie et les syndicats de médecins visant à limiter les dépassements de tarifs des praticiens. « Les conditions ne sont pas réunies », a expliqué hier lors d'une conférence de presse Etienne Caniard, le président de la Mutualité. La rupture est donc consommée avec le gouvernement et l'Elysée, qui tiennent absolument à ce que cet accord entre en vigueur avant la présidentielle. C'est l'une des conséquences de la taxation accrue des complémentaires santé, décidée dans le cadre du plan anti-déficit et très mal acceptée par les mutuelles.
En suspens depuis deux ans, le texte de l'accord prévoit la mise en place d'un secteur d'exercice dit « optionnel » pour les médecins, à mi-chemin entre le secteur 1, où ils pratiquent les tarifs de la Sécurité sociale, et le secteur 2, où les honoraires sont libres. Les praticiens qui rejoindraient ce secteur optionnel s'engageraient à faire au moins 30 % de leur activité au tarif de la Sécurité sociale, et à limiter les dépassements sur les autres actes à 50 % de ce tarif. En échange, les complémentaires (mutuelles, assurances, institutions de prévoyance) s'engageraient à rembourser ces dépassements à leurs clients. Dans un premier temps, l'accord ne concernerait que les chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens.
« Le secteur optionnel n'apporte en rien une amélioration dans l'accès aux soins », a critiqué le président de la Mutualité. Qui redoute un effet d'aubaine, certains médecins risquant de rejoindre le secteur optionnel pour y faire plus de dépassements qu'aujourd'hui. Il demande aussi une revalorisation pour les professionnels qui pratiquent les tarifs conventionnels.
Mesure de rétorsionEn refusant de signer l'accord, les mutuelles savent qu'elles déclenchent la guerre avec l'exécutif. Nicolas Sarkozy est monté au créneau lui-même pour défendre le secteur optionnel il y a quelques jours. « La Mutualité est dans une logique d'escalade incompréhensible pour les patients », a réagi Xavier Bertrand. Le ministre de la Santé annonce qu'il va « prendre contact » avec les deux autres familles de complémentaires. « Je ne pense pas que les assureurs et institutions de prévoyance soient sur la même ligne que les mutuelles », soutient, très remonté lui aussi, Michel Chassang, président de la CSMF, syndicat de médecins favorable au secteur optionnel. « Je suis prêt à rencontrer la Mutualité », tempère Xavier Bertrand. En l'absence d'accord, le gouvernement mettra en oeuvre le secteur optionnel par le biais d'un amendement au projet de budget de la Sécurité sociale, examiné à l'Assemblée d'ici à la fin du mois.
Au sein de la majorité aussi, l'attitude des mutuelles passe mal. On les accuse même de jouer la montre en misant sur une victoire de la gauche en 2012. En rétorsion, la députée UMP Valérie Rosso-Debord a préparé un amendement pour taxer les réserves des mutuelles au-delà d'un certain seuil : 10 % lorsqu'elles représentent plus de 3,5 fois leurs engagements réglementés, 20 % quand ce ratio est supérieur à 6. La MGEN, première mutuelle santé, dont les ratios de solvabilité sont nettement supérieurs à ce qu'exige la réglementation, est directement visée.
VINCENT COLLEN, Les Echos "