Tous les médicaments sans ordonnance doivent pouvoir être vendus sur internet selon le Conseil d’Etat
Paris, le vendredi 15 février 2013 – Titulaire d’une pharmacie à Caen, Philippe Lailler, profitant d’un vide juridique a ouvert en novembre 2012 le premier site internet rattaché à une officine proposant la vente de médicaments. Il ne se contente pas d’être un pionnier en la matière. Il est également devenu un militant. En effet, alors que l’ordonnance du 19 décembre 2012 limite à quelques produits seulement les médicaments sans ordonnance qui pourront dans quelques semaines être vendus sur internet par les pharmacies d’officine, Philippe Lailler a rapidement considéré que cette restriction dévoyait l’esprit de la directive européenne que transpose l’ordonnance française. En limitant le champ des médicaments pouvant être délivrés par internet aux seuls produits susceptibles d’être présentés en « accès libre » dans les pharmacies, « la France ne respecte pas le droit européen », expliquait ainsi fin janvier au Figaro son avocat maître Virginie Apéry-Chauvin.
De 500 à 10 000 médicaments accessibles sur la toile !
Ces arguments ont emporté la conviction du Conseil d’Etat qui saisi en référé a rendu sa décision hier. « Un doute sérieux sur la légalité de ces dispositions » a ainsi été confirmé par les hauts magistrats dès lors qu’elles « méconnaissent le droit de l’Union européenne en ne limitant pas aux seuls médicaments soumis à prescription obligatoire l’interdiction de vente par internet » explique le Conseil d’Etat. Ce dernier ajoute par ailleurs que le caractère d’urgence de la suspension de cette disposition paraît constituer par le « développement constant et rapide de l’activité de vente de médicaments en ligne » de la pharmacie de Philippe Lailler, développement qui a entraîné « l’embauche de nouveaux préparateurs ». Aussi, ce ne sont plus moins de 500 médicaments qui pourront être proposés librement sur le net par les pharmaciens mais près de 10 000 ! A contrario, le Conseil d’Etat a considéré que les dispositions soumettant l’ouverture d’un site internet de vente en ligne par une officine à une autorisation préalable des Agences régionales de santé (ARS) ne semblaient en rien contrevenir aux réglementaires françaises et européennes. On le sait, cette obligation, qui pourrait ralentir l’essor de la vente de médicaments en ligne, est critiquée par certains.
Revers pour le gouvernement
Cette décision du Conseil d’Etat, prise en référé, devrait être confirmée d’ici l’été. Avant cette date, le gouvernement tentera sans doute de trouver des arguments juridiques pour obtenir un revirement de jurisprudence. Ce matin sur Europe 1, le ministre de la Consommation, Benoît Hamon ne cachait pas en effet son embarras et sa désapprobation face à la position des conseillers d'Etat. Il a en effet rappelé que la plus grande prudence devait être observée en « matière de pharmacie en ligne » et a indiqué que le gouvernement allait analyser avec soin la décision de la haute juridiction.
Revers pour le gouvernement, cette dernière l’est également pour les nombreux opposants à la vente de médicaments en ligne, qui parviennent difficilement à faire entendre leurs voix, malgré la mise en avant des premières opérations de piratage (lire notre article d’hier).