La police du médicament réformée de fond en comble pour éviter un nouveau scandale
Par Vincent Collen | 14/05 | 07:00 Les Echos
La France a profondément réformé la surveillance du médicament après le scandale. Mais les décisions les plus importantes sont prises au niveau européen.
Lorsque le scandale du Mediator éclate, à l'automne 2010, Xavier Bertrand vient d'être nommé ministre de la Santé. Bon connaisseur de ces dossiers -il a déjà occupé ce poste sous le gouvernement Villepin -et fin politique, il entrevoit tout de suite le caractère explosif de l'affaire. Le désastre du sang contaminé est dans tous les esprits. Immédiatement, c'est le branle-bas de combat. En quelques mois, le directeur de l'Agence du médicament est révoqué, l'Inspection des affaires sociales publie un rapport au vitriol et une loi de « renforcement de la sécurité sanitaire du médicament » est votée. Le gouvernement veut montrer qu'il frappe fort, qu'il sanctionne et qu'il met tout en oeuvre pour qu'un nouveau scandale soit impossible. « Il y aura un avant et un après Mediator », assure Xavier Bertrand.
Eviter les conflits d'intérêts
Médiatiquement et politiquement, la bataille est gagnée. Le Parti socialiste, alors dans l'opposition, reconnaît la qualité du travail accompli -il faut dire que le Mediator, en vente depuis les années 1970, concernait autant la droite que la gauche. Plusieurs experts qui étaient à l'origine de la révélation du scandale, comme la pneumologue Irène Frachon ou le cardiologue et député PS Gérard Bapt, saluent les décisions prises.
Aujourd'hui, il est encore difficile de jauger l'ampleur du changement. Promulguée en décembre dernier, la « loi Mediator » n'est pas encore complètement entrée en vigueur, faute de décrets d'application -le ministère indique qu'ils ne tarderont pas à être publiés. Les textes donnant naissance à la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), qui succède à l'Afssaps, viennent, eux, de paraître. Ils visent à éviter les conflits d'intérêts entre les experts chargés d'évaluer les médicaments et les industriels qui les fabriquent.
Ils cherchent aussi à améliorer la prise en compte des informations sur les effets indésirables qui remontent du terrain. Les associations de patients seront désormais représentées au sein de l'ANSM, les industriels exclus de certaines instances. « C'est un progrès, même si les patients ne sont représentés ni à la Haute Autorité de santé ni au Comité économique des produits de santé, là où se décident le prix et le remboursement des médicaments », relève Christian Saout, président du CISS, qui regroupe une trentaine d'associations de défense des malades.
Impossible, désormais, un scandale similaire ? « Rien ne le prouve, juge Bruno Toussaint, rédacteur en chef de la revue indépendante « Prescrire ». Toutes les réformes qui sont faites en France vont dans le bon sens, et je pense qu'il y a eu un vrai sursaut. Les experts, les professionnels de santé, ont compris que le doute devait profiter au patient, pas à l'industriel. Mais les décisions les plus importantes, autorisations de mise sur le marché et retraits, sont prises au niveau européen. Et là, rien n'a changé. »
Le scandale du Mediator, peu commercialisé en dehors de l'Hexagone, est resté franco-français. « Beaucoup de médicaments qui présentent des risques sans rapport avec un bénéfice faible ou nul sont toujours commercialisés », déplore Bruno Toussaint. « La réglementation ne peut que réduire le risque d'un nouveau Mediator, pas le supprimer », estime lui aussi Christian Saout.
VINCENT COLLEN, Les Echos