Non, le contribuable renflouera....
Des centaines d’hôpitaux plombés par des emprunts toxiques auprès de Dexia
Publié le 13/10/2011
Paris, le jeudi 13 octobre 2011 – Si le démantèlement de la banque franco-belge Dexia n’avait pas encore été acté, la très mauvaises santé financière de l’établissement était bien connue de tous, lorsque le 21 septembre le quotidien Libération révélait que 5 500 collectivités locales et établissements publics en France avaient contracté auprès d’elle des « prêts structurés ». On le sait, ces prêts sont considérés comme « toxiques » car ils contraignent le plus souvent les « bénéficiaires » de s’acquitter de surcoûts qui peuvent parfois atteindre jusqu’à plus de 50 % du montant de l’emprunt et des intérêts initiaux tels que calculés au moment de la signature. Or, parmi les établissements concernés par ces outils financiers dangereux, figurent des centaines d’hôpitaux. Si pour la majorité d’entre eux, le surcoût a semblé « limité » à moins de 20 %, les cas où il a varié (ou aurait dû varier) entre 20 et 50 % ne sont pas rares.
De quoi vous faire monter la moutarde au nez
Ces surcoûts s’expliquent par la mise en œuvre de différents mécanismes. Les hôpitaux ont ainsi été nombreux à être confrontés à des emprunts pour partie à taux fixe et pour partie à taux variable. Or cette dernière était souvent indexée sur la parité de monnaie étrangère, et notamment le franc suisse. Ce jeu très dangereux a soumis plusieurs établissements à des surcoûts parfois pharaoniques. Parmi les exemples cités par Libération, figurait notamment le cas du centre hospitalier de Dijon, contraint selon le quotidien de « s’acquitter de 31 millions d’interêts pour un emprunt toxique de 111 millions ».
Dijon, cependant n’était qu’un cas emblématique parmi tant d’autres et depuis quelques semaines la presse locale n’en finit pas d’énumérer les établissements qui se sont prêtés à ces mécanismes financiers dangereux. Pour la seule Normandie, quinze centres sont ainsi plus ou moins touchés pour un surcoût global estimé par le syndicat Sud Santé à 12 millions d’euros. Si certains établissements sont grevés de factures modérées (23 000 euros à Vimoutiers), d’autres sont très fortement touchés (3 408 000 au Havre).
Des offres séduisantes
Les directeurs d’hôpitaux sommés aujourd’hui de se justifier quant au danger auquel ils ont exposé leurs établissements admettent volontiers des erreurs mais s’expliquent également. « Rapidement, la seule solution que nous avons eue pour faire face aux investissements demandés dans le cadre du plan Hôpital 2007 a été l’emprunt. Dans un contexte de faible concurrence entre constructeurs, nous avons été confrontés à une hausse de prix et nous avons donc eu recours aux emprunts structurés. L’offre était séduisante : le taux d’intérêt n’était que de 1 %. Cela nous a permis, sur la période 2007-2011, de gagner 9 600 000 d’euros » s’est ainsi défendu Pierre-Charles Pons, directeur du CHRU de Dijon devant la commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux à l’Assemblée nationale le 5 octobre dernier.
Un emprunt qui vire sous de meilleurs auspices
Outre leurs justifications, cette audition de plusieurs responsables d’hôpitaux a permis de révéler également que, dans plusieurs centres, des solutions avaient pu être trouvées pour limiter ces surcoûts. Des négociations ont en effet pu être menées. Ainsi, à Vire, la moitié de l’emprunt contracté par l’hôpital est désormais passé en emprunt consolidé. Cet arrangement a pu se répéter dans plusieurs endroits.
Cependant, dans d’autres établissements, des solutions plus drastiques ont été tentées : il s'agit d' actions juridiques à l’encontre de Dexia. Telle était notamment la tentation du directeur de l’hôpital d’Ajaccio. Cependant, l’Etat l’a pressé de retirer sa plainte pour pouvoir plus facilement agir au niveau national. Aujourd’hui, le démantèlement de la banque et la création d’une « bad bank » destinée à reprendre les actifs toxiques afin de les assainir permet de fait de rassurer les collectivités locales et les hôpitaux. Néanmoins, ce soulagement n’est pas entier, étant donné que Dexia n’est pas l’unique banque auprès de laquelle les établissements de soins ont pu contracter des prêts "structurés". Aussi, l’idée de mettre en place des cellules d’experts financiers pour mutualiser les compétences et les mettre au service des directeurs d’hôpitaux, avancée par Frédéric Boiron, président de l’Association des directeurs d’hôpitaux, devrait-elle faire son chemin.