Le ministre de la santé Xavier Bertrand a lancé le 17 février une large concertation destinée à refondre le système français du médicament, suite aux lacunes du système actuel répertoriées par l'Igas. Alors que les consultations commencent, la revue Prescrire, totalement indépendante de l'industrie pharmaceutique, publie 57 recommandations tirées de 30 années d'observation et d'analyse du système.
"Redresser le cap de la politique du médicament"
L'affaire Mediator ® a mis en évidence des carences criantes du système actuel du médicament, en particulier en termes d'influence de l'industrie pharmaceutique sur des décisions censées n'être guidées que par la science et l'observation clinique.
Afin d'éviter la survenue d'une nouvelle affaire de ce type et de "redresser le cap de la politique du médicament" en France la revue Prescrire, qui avait dès 1997 dénoncé l'inutilité de ce médicament et émis des doutes sur sa toxicité, demande la mise en oeuvre de préconisations issues de nombreuses recommandations antérieures.
Une publication à confronter aux propositions des Assises du médicament
Ces préconisations sont rendues publiques sur le site de Prescrire afin de "donner à tous l'occasion de s'approprier les termes du débat et de pouvoir juger les propositions à venir des Assises du médicament".
En effet, les organisateurs de ces Assises refusent que les séances des différents groupes de travail soient filmées, interdisant aussi aux experts présents d'enregistrer tout ou partie des débats. Et ce malgré les demandes écrites de Prescrire, du Formindep (collectif de professionnels de santé pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes, qui a lancé un appel aux dons pour permettre la participation du Formindep aux débats des Assises) ou encore de Dominique Dupagne, médecin webmaster du site Atoute.org et adhérent du Formindep.
Cette interdiction, étonnante dans ce contexte d'exigence de transparence devant la société française, est probablement une des raisons ayant poussé Prescrire à rendre publiques ses recommandations avant l'émission de propositions par les organisateurs et rapporteurs des Assises du médicament.
Améliorer la qualité du circuit du médicament
Prescrire suggère de mettre en place des critères de mise sur le marché plus exigeants, avec en particulier des décisions appuyées sur des essais cliniques comparant la nouvelle molécule au médicament de référence, et non à un placebo ou à un produit mineur.
L'expertise des agences sanitaires comme l'Afssaps devrait aussi être renforcée, avec une transparence complète sur tous leurs travaux, éventuels conflits d'intérêt, débats et décisions.
Prescrire souhaite également que la pharmacovigilance soit réformée, avec une implication des patients, une information régulière des professionnels de santé, une accélération des prises de décision en cas de rapport bénéfices-risques défavorables. Prescrire réaffirme que "le doute doit bénéficier au patient et non au médicament", ce qui semble en effet la moindre des choses...
Réformer la formation des professionnels de santé et la visite médicale
La formation initiale (faculté de médecine) devrait être "libre de l'influence des firmes" : apprendre aux futurs médecins les noms des molécules et non les noms de marque pour les médicaments, développer l'enseignement de la pharmacologie, l'indépendance et la transparence des enseignants, ne pas accepter la promotion (visite médicale par exemple) à la faculté et dans les centres hospitalo-universitaires font partie des propositions de Prescrire.
Du côté de la formation médicale continue, la revue préconise de la rendre vraiment obligatoire, "sur financement public". Quant aux visiteurs médicaux, elle suggère d'en former un réseau "indépendant des firmes, chargés notamment de la diffusion d'informations de référence auprès des soignants".
Mieux informer le grand public
Prescrire propose de "multiplier les campagnes publiques d'information de qualité à destination du grand public pour un bon usage du médicament" et de développer l'enseignement scolaire sur la santé, toujours de manière indépendante de l'industrie pharmaceutique bien sûr.
Elle souhaite aussi la mise en place d'une base publique, exhaustive et gratuite d'information sur les médicaments commercialisés.
Enfin, Prescrire veut que les associations de patients rendent publiques leurs sources de financement, ce qui n'est que partiellement fait depuis 2009.