29/03 | 15:44 | Laurence Bollack – Les Echos
Première récession sur le marché français des médicaments
Pour la première fois depuis longtemps, le marché des médicaments va baisser cette année en France, selon IMS. Une rupture due aux mesures d'économies prises par les pouvoirs publics. Elles vont des réductions de prix aux déremboursements, en passant par l'encadrement des prescriptions.
C'est une cassure. Pour la première fois depuis très longtemps, le marché des médicaments en France va baisser cette année, selon les prévisions d'IMS Health. « Après deux années de croissance zéro, nous anticipons une récession de 2 % en 2012, qui fera tomber le marché des produits de ville à 20,6 milliards d'euros », détaille Robert Chu, président d'IMS Health France. Ce recul signe un peu la fin d'une époque, ces décennies pendant lesquelles le marché pharmaceutique tricolore ne cessait de grimper. Entre 1980 et aujourd'hui, la consommation de médicaments par habitant est ainsi passée de 95 euros à 550 euros par an !
A présent, ces années d'euphorie pour l'industrie et de déficit record pour l'Assurance-maladie sont bien terminées. En volume, le marché a déjà commencé à reculer. Et il devrait donc faire de même cette année en valeur. Les raisons de ce repli ? Les mesures d'économies prises par les pouvoirs publics, qui vont des baisses de prix aux déremboursements de médicaments jugés peu efficaces (comme le Tanakan), en passant par l'encadrement des prescriptions via les contrats de performance signés avec les médecins.
Essouflement des ventes à l'hôpital
Plus grave pour les industriels, ils ne pourront pas compenser ces ventes perdues par le chiffre d'affaires réalisé à l'hôpital, car la croissance s'y essouffle. La progression, qui a culminé à 20 % en 2002, sera limitée à 3 % cette année, à quelque 6 milliards d'euros. Un phénomène qui s'explique tout d'abord par l'apparition de génériques de produits chers, comme les anticancéreux administrés à l'hôpital. A l'utilisation de ces copies légales moins onéreuses s'ajoute une mesure administrative : l'encadrement de la « liste en sus ». Il s'agit de médicaments directement remboursés aux centres de soins, en complément des forfaits qui représentent l'essentiel du budget des médicaments de l'hôpital. « Les autorités ont sorti des produits de cette liste. En conséquence, on est passé d'une croissance de 10 % en 2009 à 3 % en 2011 et nous prévoyons 2 % seulement en 2012 », explique Robert Chu.
Piètre consolation, la France n'est pas isolée en Europe, le Royaume-Uni et l'Allemagne ayant par exemple recours aux baisses de prix. Mais la situation est amenée à perdurer. « La nouvelle période qui s'ouvre risque de se répéter jusqu'en 2015. Toutefois, le marché n'est pas morose, il connaît des pics avec des facteurs de croissance comme l'innovation, et des creux avec des facteurs de décroissance comme les génériques », analyse Claude Le Pen, professeur à Paris-Dauphine et consultant d'IMS Health.
Dans ces conditions, l'avenir paraît donc appartenir aux entreprises offrant des stratégies ciblées sur des pathologies sévères comme l'oncologie ou les maladies auto-immunes, à celles qui fournissent des médicaments tout d'abord administrés à l'hôpital, et dont le petit marché est compensé par un prix élevé. Les ventes les plus importantes seront désormais davantage réalisées par Humira et Enbrel, contre la polyarthrite rhumatoïde, que par l'anticholestérol Tahor ou l'antiulcéreux Inexium.
LAURENCE BOLLACK