De l'espoir pour relativiser ce PFLSS 2013 qui inquiète chacun.
« Ce budget sécu 2013 est un copier-coller des précédents »
04/10/2012 | Professeur de sciences économiques à l’Université Paris Dauphine, directeur du master Economie et gestion de la santé, Claude Le Pen a répondu à Impact Santé sur le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du gouvernement Ayrault.
Le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté par le Gouvernement vous semble-t-il en rupture avec les précédents ?
Non, et il est même vraiment étonnant de constater à quel point, pour le PLFSS, le changement, ce n’est pas maintenant ! On retrouve les mêmes mesures d’économies avec les mêmes montants que dans les budgets des années précédentes. Il n’en manque pas une : le milliard d’économies sur le médicament, les baisses de tarifs des radiologues et des biologistes etc. Même l’Ondam de 2,7 % est très proche de celui de 2012 qui était de 2,5 %. On est dans le copier-coller !
N’y a-t-il quand même pas quelques divergences ?
La seule petite nuance, c’est le frein à la convergence des tarifs hospitaliers entre le public et le privé. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y aura pas une campagne tarifaire 2013 sévère avec des baisses de prix à l’hôpital. Il n’y a pas non plus de déremboursement de médicaments dans ce PLFSS mais il n’y en avait déjà quasiment plus dans les précédents.
Est-ce à dire que pour élaborer le budget de la Sécu, il y a assez peu de marge de manœuvre ?
Non, mais il est vrai que l’alternative n’est pas évidente. En outre, ni le Gouvernement ni les Français n’ont envie de l’autre stratégie qui consisterait à reconfigurer le système de santé. Il y aurait pourtant beaucoup de choses à faire : redéfinir le panier de soins, déterminer le rôle des complémentaires et de l’Assurance maladie obligatoire, évaluer plus fortement les pratiques médicales et surtout, restructurer l’hôpital. Mais tout cela est difficile et demande beaucoup d’énergie, de vision et de courage politique. C’est d’ailleurs un reproche que l’on pouvait déjà adresser à la droite.
Néanmoins, les dépenses de santé ne semblent-elles pas de plus en plus sous contrôle ?
Oui, mais le problème réside dans le fait que l’on propose tous les ans des mesures qui ne sont pas pérennes. Va-t-on continuer chaque année à demander un milliard d’euros à l’industrie pharmaceutique ? Au bout d’un moment, cela va se traduire par des disparitions d’emplois et une innovation au ralenti. De même, est-il très bien de taxer la bière mais on ne va pas pouvoir augmenter cette taxe indéfiniment. À chaque fois, il s’agit de recettes du passé qui, de surcroît, démoralisent un peu les professionnels de santé.
La mise en place du Haut conseil pour le financement de la Sécurité sociale par le Premier ministre ne vise-t-elle pas justement à définir une stratégie à long terme ?
Je ne crois pas. Le Haut conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie avait été créé en 2004 pour préparer la loi Douste-Blazy car on ne voulait pas reproduire les erreurs du plan Juppé, c’est-à-dire une réforme préparée dans le grand secret par cinq personnes. Ces conseils peuvent être très utiles quand on a déjà une stratégie. Ils peuvent produire des rapports très intelligents mais ce ne sont pas des acteurs du changement.
Le système de santé n’évolue-t-il pas constamment au fur et à mesure des PLFSS successifs?
Oui bien sûr, mais il est dommage d’être toujours dans « le court-termisme » et de bâtir des budgets de fonctionnaires avec un horizon à un an. Car, finalement, on change quand même le système mais ce sont des évolutions subies et non débattues. Que veut-on vraiment : garder les principes de 1946 intacts, se concentrer sur les personnes les plus défavorisées ou laisser le petit risque aux complémentaires ? Quels que soient les choix, il faut les exprimer. Il n’y a pas eu de débat sur ces questions lors des campagnes présidentielle et législative ni à l’occasion des choix budgétaires. Alors que pour le budget de l’Etat, il y a eu un débat sur l’augmentation des impôts des plus riches. Quoi que l’on en pense, on a au moins entendu une petite musique alors que pour le budget de la Sécu, on prend les mêmes mesures et on recommence sans se poser de questions.
Le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale est-il possible selon vous d’ici à la fin du quinquennat comme s’y est engagé le chef de l’Etat ?
Il y avait beaucoup de perspectives intéressantes dans le rapport Igas et de l’IGF sur les propositions en faveur de la maîtrise de l’Ondam. Ce rapport mettait en particulier l’accent sur l’idée qu’un retour à l’équilibre nécessiterait une restructuration hospitalière. Il y aurait également beaucoup de choses à faire concernant la pertinence des actes, l’implantation des hôpitaux sur le territoire ou encore l’organisation des services d’urgences. Mais aujourd’hui, on est dans une logique de sanctuarisation de l’hôpital pour des raisons politiques. En tout cas, ce qui est certain, c’est que l’on ne peut pas compter sur un hypothétique retour de la croissance pour rééquilibrer les comptes. Ce serait de toute façon insuffisant. Nous avons besoin d’une véritable réforme structurelle. Mais le Gouvernement n’a pas l’air d’avoir envie de la faire pour l’instant.