Médicaments génériques : l'IGAS n'élude pas les interrogations
le 03/01/2013 Quotidien du Jim.
Paris, le lundi 3 janvier 2013 -Les médicaments génériques ont tenu la vedette en 2012 sur fond de polémiques. Au-delà de quelques querelles corporatistes où l'on a pu voir certains pharmaciens reprocher aux médecins leur mauvaise volonté en ce qui concerne la progression de la part des médicaments génériques, de véritables questions ont été soulevées, notamment par l'Académie de médecine, mais également par certaines associations de patients. Ces interrogations concernaient en particulier la fiabilité de l'évaluation des génériques et leurs conditions de fabrication. Si en réponse à ces réflexions, certains se sont contentés de marteler qu'aucune inquiétude n'était justifiée, l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport très attendu rendu public au mois de décembre ne fait nullement l'impasse sur ces sujets controversés.
Des études de bioéquivalence souvent réalisées dans des conditions inquiétantes
Ainsi, concernant l'évaluation des médicaments génériques, l'IGAS rappelle, à l'instar de nombreux autres avant elle, que le « dossier d'autorisation de mise sur le marché» ne diffère guère entre princeps et copie, « à l'exception des études pré-cliniques et cliniques qui ne sont pas exigées car le principe actif a déjà fait l'objet de telles études». Néanmoins, les experts confirment la pertinence des interrogations portant sur la réalisation des études de bioéquivalence. Ils considèrent en effet qu'une attention particulière doit être portée aux « centres de recherche cliniques réalisant» ces travaux, notamment parce qu'ils sont « en très grande majorité» délocalisés. De fait si une vingtaine d'inspections d'essais de bioéquivalence sont conduits chaque année par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la majorité des travaux échappe à ces contrôles puisque réalisés en dehors de l'Union européenne. Et lorsque des vérifications sont conduites, les constatations sont souvent affligeantes. « Les inspections réalisées dans ces centres ont relevé de nombreux et graves dysfonctionnements allant jusqu'à des falsifications de données, qui ont conduit l'ANSM à refuser l'octroi d'autorisation de mise sur le marché pour les médicaments concernés » relève en effet l'IGAS. Aussi, les auteurs du rapport jugent « indispensable de renforcer les procédures d'inspection des centres réalisant les études de bioéquivalence et des exploitants de médicaments génériques».
Matières premières : et pourquoi ne pas « relocaliser» ?
Concernant la fabrication des produits, l'IGAS, une fois encore, ne considère pas comme négligeables les objections présentées ces derniers mois. Si elle rappelle, elle aussi, que les « sites de production, situés à plus de 95 % sur le territoire de l'Union européenne, fabriquent à la fois des médicaments princeps et génériques », elle porte une attention marquée à la question des matières premières à usage pharmaceutique. « Essentiellement produites dans les pays tiers, notamment en Inde et en Chine» ces dernières ne sont qu'imparfaitement contrôlées. Si elles sont l'objet de vérification au moment de la fabrication finale du médicament, les inspections sur place restent rares. Et une fois encore, quand elles ont pu être conduites, elles révèlent souvent des résultats inquiétants. Plusieurs ont ainsi mis « en évidence de graves lacunes, voire des falsifications de données. Elles ont conduit l'organisme de certification européen à retirer de nombreux agréments de conformité aux fabricants concernés. Par ailleurs, cette délocalisation de la production, y compris de matières premières essentielles, est une des causes des ruptures de stock de médicaments qui concerne actuellement tous les pays. Ces difficultés ne sont évidemment pas spécifiques aux médicaments génériques mais concernent l'ensemble des médicaments qui sont fabriqués avec ces matières premières » analysent les auteurs. Aussi, ces derniers recommandent-ils d'engager une réflexion sur « les possibilité de relocalisation d'une partie de la production».
Toujours le même générique
Ces différentes recommandations sont destinées non seulement à renforcer la sécurité des médicaments mais également à restaurer le lien de confiance, qui s'est érodé, entre les patients et les génériques. Un tel objectif passe également par le respect de différentes préconisations quant à la délivrance des « copies». Là encore, l'IGAS reprend à son compte des propositions défendues par des instances que l'on a souvent taxé d'être « opposées» aux génériques. Outre la défense de l'utilisation de la mention « non substituable» pour les médicaments à marge thérapeutique étroite, « la mission recommande qu'au-delà de l'objectif de taux de substitution, les pharmaciens assurent la stabilité de la délivrance des médicaments génériques à l'ensemble des patients chroniques par une généralisation de la mesure prise pour les personnes âgées de plus de 75 ans (un seul générique par princeps et par malade) et qu'ils aient l'obligation de noter sur le conditionnement du médicament générique le nom du médicament princeps substitué».
Un milliard d'euros d'économies supplémentaires parfaitement envisageables
Mais si l'IGAS n'élude aucune des interrogations nourries ces derniers mois autour des génériques et semble confirmer la nécessité d'améliorer les conditions de délivrance, elle confirme également l'importance de poursuivre une politique volontariste de progression des médicaments génériques, source d'économies importantes et qui dans leur très grande majorité présentent une efficacité parfaitement comparable aux princeps. Aussi, les experts exhortent-ils les pouvoirs publics à redoubler d'efforts. « La mission évalue les gains potentiels pour la collectivité à plus d'un milliard d'euros en agissant sur les prix avec décote supplémentaire du prix des génériques de 10 % du prix fabricant hors taxe (PFHT), en augmentant de cinq points la prescription dans le répertoire et l'atteinte de l'objectif de substitution de 85 %», projettent les auteurs.