http://www.lemonde.fr/sante/article/2012/11/10/depassements-d-honoraires-il-faut-preserver-la-democratie-sociale_1788645_1651302.html" Le Monde.fr | 10.11.2012 à 10h02
Si le mal-être des médecins libéraux, maltraités par les gouvernements successifs est une réalité, les mouvements déclenchés aujourd'hui par quelques-uns sont incompris tellement les mots d'ordres sont illisibles. En particulier, les arguments avancés contre l'accord sur la modération des compléments d'honoraires, contrepartie d'une revalorisation des tarifs sécu (avenant n°8 à la convention médicale), relèvent au mieux de la désinformation, au pire d'une manipulation via les réseaux sociaux.
Ces apprentis sorciers, autoproclamés du Web, développent un corporatisme dangereux qui compromet la crédibilité et marginalisent la profession. Pire, en faisant à croire à l'opinion publique que les compléments d'honoraires sont une cause sacrée, ils donnent raison à tous ceux qui accusent les médecins d'être des boutiquiers assoiffés d'argent, sans se soucier de la crise économique qui s'est abattue sur notre pays, plutôt que d'être des soignants concentrés sur leur rôle médical et social. Ils opposent une partie du corps médical à l'autre.
Heureusement, l'immense majorité des médecins libéraux, notamment ceux qui exercent en secteur 1 (tarifs sécu) et ceux, en, secteur 2 (avec compléments d'honoraires), qui ont une pratique tarifaire responsable, ne se reconnaît pas dans ce mouvement désordonné. La cause sacrée, pour les médecins libéraux, est tout autre. Ils demandent à la société de rémunérer correctement un métier parmi les plus difficiles où l'on travaille beaucoup en prenant des risques personnels.
Une fois de plus, quelques-uns prennent toute une profession et les patients en otages. Malheureusement, ils se trompent eux-mêmes en croyant être ceints d'une pseudo-légitimité conférée par le nombre de visiteurs d'une page sur internet. La démocratie sociale est une réalité bien différente. Elle repose sur le dialogue entre les pouvoirs publics et des syndicats représentatifs à l'audience avérée sur la base d'élections professionnelles. Les médecins libéraux sont attachés à cette démocratie sociale qui a permis de négocier de nombreuses avancées. C'est aussi la culture du compromis. Refuser toute négociation, signifie refuser d'évoluer et in fine, contraindre la profession à subir ce que le pouvoir décide sans elle.
Les syndicats médicaux savent négocier pour construire et se battre quand il le faut. C'est le cas de la CSMF, qui depuis 1928 représente tous les médecins libéraux, de secteur 1 et 2, de toutes les spécialités et installés en tous points du territoire de métropole et d'Outremer dans une logique globale qui n'oppose pas les uns aux autres, et surtout pas les médecins avec leurs patients.
La CSMF est à l'origine de toutes les grandes avancées en matière de santé dans ce pays. La création de la convention médicale en 1971, qui a permis à tous les français d'accéder aux soins et aux médecins libéraux conventionnés de voir leurs honoraires solvabilisés, n'est qu'un exemple et non le moindre.
La CSMF a aussi mené de nombreux combats, notamment contre les plans Juppé-Aubry en 1995 et 1998 qui instituaient une pénalisation financière aveugle et une baisse automatique de la valeur des actes en cas de non-respect des objectifs de dépenses, contre l'esclavage des médecins avec les gardes obligatoires et non rémunérées, contre la loi Bachelot qui voulait mettre les médecins libéraux à la botte des agences régionales de santé et en faire les supplétifs des hôpitaux.
Il faut aussi savoir construire, ce qui suppose d'avoir un projet et des propositions. La CSMF a réussi à impulser une nouvelle convention médicale en juillet 2011 qui enclenche la modernisation des cabinets par l'informatisation et valorise enfin les efforts en matière de santé publique. Dans quelques semaines, début 2013, les médecins bénéficieront des premiers dividendes de cette convention qui doit encore continuer à évoluer.
L'accord sur les compléments d'honoraires a protégé les médecins libéraux d'une loi destinée à faire disparaître le secteur 2 en encadrant les compléments d'honoraires et interdisant toute nouvelle installation dans ce secteur. Surtout, il a permis un débat sur la valeur des actes en secteur 1. La prise de conscience qui a eu lieu à cette occasion a permis d'enclencher une première étape de revalorisation.
Cet accord a été signé par trois syndicats, dont la CSMF, qui représentent réellement une très large majorité du corps médical. Leur audience n'a pas été mesurée en nombre de visites transformées en "amis" sur les réseaux sociaux, mais dans le cadre démocratique des élections aux URPS.
Pour pouvoir avancer, les médecins libéraux ont besoin de rester unis et, pour ceux qui n'y sont pas déjà, de rejoindre un syndicat médical représentatif responsable doté d'un projet pour la profession, en capacité d'être entendu des pouvoirs publics. Le reste, y compris les cartels improvisés sur le net c'est l'aventure. Une aventure dangereuse dont les médecins libéraux paieraient les pots cassés et qui se traduirait par une rupture avec leurs patients.
Il reste des combats à livrer. En particulier, il faudra faire à nouveau obstacle au projet de loi autorisant le conventionnement individuel par les mutuelles. La CSMF y est parvenue une première fois toute seule en 2011 grâce à la loi Fourcade. Si les bonnes volontés exprimées ces derniers jours la rejoignent, le conventionnement collectif devrait pouvoir être préservé dans le double intérêt des médecins et des patients qui y perdraient la liberté de choix.
Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) "
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L'article (l'appel ?) de Chassang prend tout son sens quand on sait que de plus en plus d'information et de désinformation circule sur le world wide web. Cela est valable aussi pour les pharmaciens quoique que peu de conn... vraiment conn... circulent (on surveille un peu aussi hein ?).
Maintenant, lisez bien le
dernier paragraphe - cela nous pend au nez à nous, pharmaciens si nous n'y prennons pas garde. Il me semble que les pharmaciens allemands se sont frottés indirectement à une question du même genre via les contrats d'exclusivité des génériqueurs. Les anglais ont failli subir le même sort via la distribution exclusive des médicaments d'un gros labo (pfizer ?). Ils ont laissé tomber dans les deux cas si je ne me trompe pas.
Explications utiles : le risque, c'est que si on est pas conventionné à une mutuelle ou si on n'a pas de contrat de référencement avec un labo en deal avec une mutuelle, on n'est pas remboursé par cette mutuelle ou le patient n'est pas remboursé par sa mutuelle s'il vient se servir chez nous. En clair, plus de liberté de choix.
Encore une fois, c'est un risque. Nos syndicats sont inaudibles sur ce sujet. Qu'en est-il réellement ?